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DOSSIER PÉDAGOGIQUE à télécharger pour les enseignants

 DOSSIER PÉDAGOGIQUE
 à l’attention des lycéens et de leurs professeurs

 Cette courte pièce d’1h10 environ est un hommage au métier de comédien et une réflexion sur le théâtre, son utilité ou sa futilité, à chacun de voir…

 Un vieux comédien a été placé dans une maison de retraite. Un jeune employé le sort dans le parc pour admirer le coucher du soleil et le crépuscule. C’est l’occasion pour le comédien de revenir sur sa vie, quand il brûlait les planches, et de s’insurger contre son isolement loin des scènes de théâtre auquel il a consacré sa vie en jouant tous les rôles. Il exalte le jeu du comédien avec enthousiasme, une sorte d’état second au-dessus de la médiocrité du monde. D’accompagnateur, l’employé devient malgré lui son partenaire, entraîné dans des situations cocasses. Il se rebiffe et tente sans cesse de ramener le comédien à la réalité, ce qui conduit avec drôlerie à une réflexion sur l’utilité du théâtre, le métier de comédien et la crainte d’un crépuscule de la Culture.

 Le Comédien et l’Accompagnateur
 Au départ, c’est une conversation entre un vieil homme et un jeune homme à son service. Puis cela devient une confrontation entre un comédien qui joue et un accompagnateur qui s’y refuse peu à peu, ne voulant pas être le souffre douleur :

 Accompagnateur : - Là, encore vous vous moquez. Toujours des pirouettes ! Vous utilisez votre mémoire pour me railler. Vous en profitez parce que je suis votre homme de compagnie …

 Comédien : – Mais non, vous êtes beaucoup plus que cela ; vous tenez compagnie à Scapin, à Macbeth, à Tartuffe…

 A. : - Géronte, Fitch, Lady Macbeth, Gianmarco, tout ce qui vous arrange pour me ridiculiser, c’est ça votre réalité ? Vous en voyez souvent des valets battus et des Géronte aussi crédules ?

 C. : – Pas besoin de s’appeler Géronte pour être ridiculisé, battu, humilié, trompé, et là, pas question de sortir de scène, serein, une fois le rideau tombé après le salut et les applaudissements.
Tu rentres chez toi la rage au ventre d’avoir été aussi crédule ou avec l’humiliation sur tes épaules… Et autour de toi, c’est la même chose. Ton voisin du 3° tape sur sa femme. Ta voisine de palier se tape le voisin du 5° pour un peu d’argent, car le mari est au chômage et le frigo est vide. Il y a encore des Gervaise qui finissent sous un escalier.
Oui, j’ai fait du théâtre parce que sa réalité est plus belle que celle qui nous entoure au quotidien. » …

 Le ton passe ainsi continuellement de la gravité à la cocasserie. Gravité d’un homme placé en maison de retraite, au bout d’une vie bien remplie et soudainement vide, et facétie des situations.
La pièce, où il est question de réalité, de vérité et de beauté, confronte les deux générations, les deux personnages, l’un dans ses rôles, l’autre, jeune pragmatique, dans la vie quotidienne, et l’on passe d’une atmosphère à l’autre, avec toute la palette du grand comédien, Pierre Bianco, pour qui cette pièce a été écrite.

- Une réflexion sur le théâtre
 Les spectateurs reconnaîtront les courtes citations empruntées à Shakespeare (Othello, Macbeth), à Molière (Tartuffe, Le Misanthrope, Les fourberies de Scapin, Le Bourgeois gentilhomme, Le mariage forcé), à Hugo (Ode aux poètes de la révolution), Audiberti (La logeuse), Copi (Une visite inopportune), Rostand (Cyrano de Bergerac), Jarry (Le roi Ubu)… et plus longuement pour terminer à Tchékov (Le chant du cygne).
 Autant d’emprunts du Comédien pour défendre avec véhémence ses idées et sa raison d’être, ou pour simplement s’amuser, souvent au détriment de son accompagnateur, entrainé malgré lui à lui servir de comparse.
Celui-ci s’y refuse et tient tête au comédien pour tenter d’ébranler ses certitudes. Sorte de personnage anti-comédien qui pourtant joue aussi, puisque nous sommes au théâtre. On peut penser au « Paradoxe du comédien » de Diderot, mais le comédien de cette pièce, tout en soutenant qu’il éprouve les émotions, se comporte comme le comédien de Diderot, sans les ressentir vraiment.

 Accompagnateur : - Je ne sais plus où j’en suis avec vous, tantôt vous me parlez du monde, tantôt du théâtre. Tantôt j’ai l’impression que c’est la même chose pour vous, tantôt au contraire que cela s’oppose farouchement.

 Comédien : - Je suis double, yin et yang, je suis pessimiste sur le devenir de l’humanité damnée et optimiste en diable sur le pouvoir du théâtre et de l’art.
Je suis le personnage et je ne le suis pas, éternel Janus, éternel magicien.
Je suis véritablement Romeo à Vérone, Davies dans un faubourg londonien, Matti en Finlande, Stanley à la Nouvelle Orléans, et tout aussi véritablement, moi-même, sur les planches, ici et maintenant, fragile et fort, malade de trac et solide dans mon texte.

 Accompagnateur : - Véritablement dites-vous ? Je n’arrive pas à comprendre cette ‘’véritable réalité’’ dont vous parlez et à laquelle vous semblez constamment attaché.
Vous n’avez cessé de me ballotter de réalité en réalité, comme s’il y en avait au moins deux, (un peu ironique) et même vous semblez dire que la réalité de la fiction serait plus réelle…
Mais soit ! Cependant vous n’êtes pas toute la journée sur une scène, il faut bien vivre l’autre réalité, le quotidien, ma réalité comme vous dites, la réalité de tout le monde, que les dramaturges n’ont fait que copier et, dans le meilleur des cas, exacerber.

 Eternel dilemme entre Aristote qui développe dans sa « Poétique » une théorie de la « tragédie détachée de tout ancrage dans le réel », et, à l’inverse Brecht dans « Le petit Organon » qui prône la distanciation. « Prendre ses distances par rapport à la réalité », et inclure pour cela des ruptures dans la mise en scène.

 Au-delà des écoles et des théories, pourquoi va-t-on au théâtre ? et qu’il y a-t-il qu’on ne trouve pas au cinéma et a fortiori à la télé ? Est–ce que le théâtre est (F) utile ?, dépassé par l’image ?

 LE DERNIER CRÉPUSCULE ne répondra pas forcément aux questions, mais aidera sans doute à se les poser.

 … Comédien (le coupant) : – Je vous vois venir mon petit bonhomme.(ironique) Le métier de comédien n’est pas utile, comme le vôtre, comme celui du médecin, du boulanger, du marin-pêcheur. Si, si, dites-le, supprimons les artistes et le monde continuera à tourner. On continuera à travailler, à manger, à boire, à dormir, à baiser… Tout va bien.
A quoi ça sert la culture, hein ? On se le demande ! Tous ces gens qui écrivent, qui peignent, qui dansent, qui jouent de la musique, qui parlent, qui parlent comme moi et à qui il faut donner des espaces, du travail, une pistole et six sous ?

 Les crépuscules
Et en toile de fond, le coucher de soleil que l’on admire avec toutes ses couleurs aux noms oubliés « amarante, garance, cochenille, cinabre, pourpre », et le crépuscule. Crépuscule du vieux personnage ?
Crépuscule d’une certaine forme de théâtre ?
Crépuscule de la Culture ?
ou simple crépuscule d’une soirée au théâtre ?

 Si le texte n’aborde pas, autrement que de manière allusive, le crépuscule de la Culture, on peut se poser la question sérieusement. Au-delà de l’aspect économique et des restrictions budgétaires qui touchent forcément à la création, on s’aperçoit que la restriction se produit au niveau même des sujets, plus timorés, moins ambitieux dans les idées. Il y a une sorte de formatage insidieux. Que faut-il en penser ?

 L’aube s’en viendra…
Cependant le spectacle est optimiste par la vitalité, la fantaisie du texte et du jeu du Comédien et par les propos du jeune homme, l’Accompagnateur :

- … « Accompagnateur : - Je ne suis pas aveugle, je vois bien ce crépuscule du monde, cette baisse de lumière générale. Moi aussi quelque fois j’ai peur que l’on revienne à l’obscurité, l’obscurantisme, mais je veux croire à l’aube. Je veux croire que je ne suis pas le seul, que d’autres croient aussi à l’aube de demain et au grand jour, à l’avenir et qu’ils se bougent comme moi. Ce n’est pas une histoire d’âge, ni de Providence. Le futur a-t-il un avenir ? Oui, je veux le croire !


 L’auteur, metteur en scène peut se déplacer dans le Lycée
pour prolonger la discussion après le spectacle.